« Etre l'opérateur de référence du courrier sous toutes ses formes »

Le Groupe La Poste poursuit une très ambitieuse stratégie de développement, consistant à être l'opérateur incontournable, en France et en Europe, du courrier sous toutes ses formes. Son président, Martin Vial, s'en explique.

Pouvez-vous faire le point sur les prises de participation de La Poste en matière de marketing direct?

Tout part de l'idée stratégique que nous nous définissons comme le leader européen, français en tous les cas, du courrier sous toutes ses formes. Evidemment, dans cette perspective, le marketing direct est un axe majeur. Nous avons préparé des rapprochements avec d'autres opérateurs du secteur, y compris dans le cadre de la publicité non adressée. Naturellement, j'ai en tête le projet de rapprochement que nous avons annoncé au printemps dernier avec Delta Diffusion. Mais je ne m'étendrai pas sur ce sujet. Nous sommes entrés dans les négociations finales avec Vivendi. Tant qu'elles n'ont pas abouti, je préfère ne pas en parler. Mais, en tout état de cause, nous comptons être un des grands groupes français et européens, capable de combiner à la fois une force de frappe dans la diffusion – ce que nous possédons déjà, cependant notre position serait encore plus forte si ce rapprochement a lieu -, mais également d'offrir des techniques de ciblage. Un métier que nous avons développé depuis une dizaine d'années avec Mediapost. Le but étant de permettre à nos clients d'avoir un bon retour sur investissement en leur présentant une offre de produits innovante, à forte valeur ajoutée. Le deuxième exemple, en matière de croissance externe, c'est notre entrée dans le capital d'E-mail vision. Une société européenne qui met à la disposition de ses clients des outils de gestion d'e-mailing sur Internet et qui sait aussi gérer l'analyse de ces campagnes.

Quelle stratégie visez-vous ?
Les rapprochements avec Delta Diffusion et E-mail vision sont l'illustration d'une stratégie qui vise à être un opérateur du courrier sous toutes ses formes mais d'être en même temps capable d'offrir des services à valeur ajoutée dans les domaines du courrier adressé, non adressé et de l'e-mail. Et ainsi, de nous présenter face aux annonceurs comme un groupe capable de proposer une offre sur tous les canaux. Le marketing direct est un axe stratégique, c'est pourquoi le partenariat avec la VPC est important. Il nous permet de développer nos activités traditionnelles. C'est un moteur de croissances nouvelles pour La Poste mais également pour les acteurs de ce secteur. Nous voulons être un accompagnateur de la croissance de ce secteur.

Peut-on envisager des synergies entre Mediapost et E-mail Vision ?
Certainement. L'idée c'est que, autour du pôle Mediapost, nous puissions fédérer nos compétences sur les outils de marketing direct traditionnel et, en même temps, sur les nouvelles technologies. Constituer un pôle assez intégré et large de compétences en marketing direct. Tout cela s'intègre dans notre stratégie e-business au profit du client. Tous les investissements que nous avons faits en matière de commerce électronique ou de transport et de logistique au plan européen et français visent à faire de nous un des grands opérateurs du commerce électronique. De ce point de vue, la constitution d'un grand pôle intégré de MD au sein de La Poste, à forte valeur ajoutée, s'intègre complètement dans cette stratégie de commerce électronique.

Avez-vous d'autres acquisitions en vue ?
En matière de développement et de croissance du groupe, j'ai une conviction. Si, dans le processus de concentration que l'on observe au niveau européen et mondial, nous ne sommes pas un acteur majeur en Europe, alors nous prenons le risque de devenir un simple sous-traitant des opérateurs internationaux et, évidemment, de voir notre valeur ajoutée, nos marges, captées par ceux qui nous sous-traitent. La question de la taille critique sur ces activités mail, courrier sous toutes ses formes et colis et logistique est une condition incontournable de pérennité et de développement. Pour les plus récentes de nos acquisitions, j'ai annoncé la prise de contrôle définitive de DPD, un opérateur de courrier rapide, le deuxième en Allemagne, qui est en même temps propriétaire d'une franchise européenne qui est utilisée par beaucoup de partenaires qu'ils soient ou non postaux. C'est la plus grosse acquisition que l'on ait jamais faite au sein du groupe La Poste. A la fin de l'année 2000, nous avons acquis la filiale britannique du groupe australien Mayne Nickless, qui est devenu depuis Geopost UK. Nous sommes aussi dans une stratégie de développement partenarial mixte. Nous avons à la fois des opérations de croissance externe par acquisitions. En Allemagne, en Suisse, aux Pays-Bas, en Tchéquie, en Angleterre. Et, en même temps, nous passons des accords de partenariat stratégique avec des opérateurs. Je pense à la création de structures communes avec la Poste italienne ou la Poste espagnole, au printemps dernier, dans le domaine du colis. Et puis, nous annoncerons d'autres accords avec des partenaires postaux avec lesquels nous entendons développer nos activités de transport et de logistique en Europe au travers de la licence DPD que nous contrôlons.

Existe-t-il d'autres accords ou partenariats?
Nous avons également passé des accords opérationnels "purs". C'est le cas avec Fedex, il y a un an. Il consiste, schématiquement, à permettre à Federal Express d'accéder à notre réseau de distribution de Chronopost International en France et en Europe, là où il est implanté et, à l'inverse, d'accéder au réseau de Fedex au niveau mondial pour les flux des clients de Chronopost de l'Europe vers le reste du monde. Un accord commercial qui permet aux deux partenaires d'être gagnants. Notre modèle de développement international se situe de façon originale par rapport à des modèles purement coopératifs où l'on ne voit que des accords opérationnels et commerciaux. Le handicap de cette stratégie, c'est qu'elle est fragile car ces accords peuvent être remis en cause. A l'opposé, il y a des mécanismes purement concentratifs, par acquisitions où les opérateurs se contentent d'acheter, mais ne mettent pas en place des effets de levier avec d'autres partenaires. C'est ce que fait la Poste allemande depuis quelques années, sans pour autant que je porte de jugement. Simplement, nous avons la conviction qu'un accord de développement partenarial mixte, tel que celui que nous avons passé avec Federal Express, est porteur sur le long terme de beaucoup plus d'effets de levier commercial, technique et financier. Parce que souvent, ces opérateurs locaux connaissent mieux les marchés locaux que nous lorsque nous arrivons sur un nouveau marché ou même que d'autres opérateurs privés. C'est tout le sens de notre stratégie. Les partenariats que nous créons sont concrétisés par des accords capitalistiques sous la forme de sociétés communes. On essaye d'aller dans le sens d'accords dans la durée. Et le meilleur moyen de mettre en oeuvre des moyens en commun, c'est de créer des sociétés communes.

Quelles sont les réponses de La Poste vis-à-vis des Postes étrangères?
Nous sommes présents, soit à travers des sociétés acquises, soit à travers des sociétés communes, dans 14 pays en Europe. La moitié du chiffre d'affaires de la branche colis et logistique est réalisée à l'étranger. Nous avons évidemment des partenariats avec des Postes étrangères, non seulement en Europe, mais aussi au Maghreb et en Afrique où Chronopost a créé des structures communes avec des opérateurs locaux. Pour le courrier international, nous avons développé une stratégie d'offre de produits qui vise à mieux nous positionner face à nos concurrents. Notre objectif : améliorer le rapport qualité/prix. Nous avons ajouté des prestations nouvelles. Notamment pour les gros émetteurs. Des systèmes d'affranchissement, de facturation détaillée. Et surtout le traitement des retours. Et nous faisons bénéficier, quand nous avons passé des accords avec les opérateurs locaux, de la technique de l'injection directe. Ce sont des accords bilatéraux que nous avons notamment passés avec l'Allemagne et l'Angleterre. Mais il faut des conditions de volumes suffisants, que le courrier soit suffisamment normalisé. Nous avons également renforcé notre force de vente. Et avons mis au point de systèmes de cotations sur mesure. Enfin, nous avons amélioré notre qualité de service à l'international, à l'export et à l'import. Puisque nous figurons parmi les premiers en Europe en matière de traitement des flux internationaux. Cette qualité de service est mesurée par IPC (International Post Corporation). Cet organisme gère en particulier les systèmes de mesure de la qualité de service des courriers entre les Postes européennes, canadienne et américaine. Cette distinction nous a permis de regagner des parts de marché. Le courrier international représente 8 % du total du chiffre d'affaires de l'activité courrier contre 5 % il y a quelques années.

Qu'en est-il des actions en faveur de la qualité de service de La Poste?
C'est une préoccupation qui se densifie chaque année. Nous mettons en oeuvre des moyens nouveaux. Cette qualité de service s'apprécie à travers trois critères. La qualité du service proprement dit, l'adaptabilité de ce service et la contractualisation autour de la qualité. Il ne s'agit pas seulement d'être bon mais de donner aussi au client des éléments de visibilité en termes de performance. Nous sommes l'une des seules entreprises françaises à rendre public nos performances de qualité d'acheminement et de distribution du courrier. Celles-ci sont mesurées par un organisme de sondage extérieur. C'était jusque-là la Sofres ; maintenant, c'est l'Ifop. Ce dispositif permet de mesurer en permanence notre qualité de service, de bout en bout. Lorsque, dans les années 90, nous avons créé les premiers éléments de mesure de la qualité de service, celle-ci était mesurée sur une période de l'année. Nous avons progressé depuis. Aujourd'hui, elle porte sur 100 campagnes dans l'année. Cette mesure est pour nous le juge de paix, impartial. En effet, chacun de nos clients a ses propres critères pour mesurer la qualité de service. Liés à leur propre perception de la réalité. Ce qu'a fait la Sofres, c'est d'élaborer des outils de mesure objectifs. Maintenant, les entreprises de VPC connaissent notre qualité. Nous sommes de plus en plus transparents en la matière. La Poste est également, aujourd'hui, très performante en matière de rapport qualité/prix. Si on compare avec l'Allemagne, le prix public du timbre est de 3,70 F, en France, il est de 3 F. De même, en ce qui concerne la satisfaction des consommateurs en Europe, les études d'opinion montrent que nous sommes la deuxième Poste en Europe. La perception globale de La Poste est meilleure.

Comment comptez-vous améliorer vos performances?
Ce qui est important, c'est la rapidité, la fiabilité et le retour d'informations pour le client. En particulier pour les grands émetteurs de courrier. Nous avons mis en place des produits suivis capables de renseigner le client. Après Distingo Suivi, nous avons lancé la Lettre Suivie, ce qui permet de mesurer la qualité de service et d'offrir une visibilité individuelle pour chaque envoi. Nous renforçons également notre service après vente. J'ai créé, il y a presque trois ans, quand j'étais directeur général, une direction de la qualité. Elle a pour vocation de pousser le groupe dans un processus de qualité totale. Une tâche délicate, compte tenu du fait que nous transportons 25 milliards d'objets par an. Ce que nous voulons, c'est traiter les défauts sans attendre les réclamations. Nous mesurons systématiquement tous les dysfonctionnements dans le cadre d'une démarche d'auto-assurance qualité, qui est mise en place systématiquement dans tous les services. Lors d'un comité de direction, un des directeurs régionaux dans l'Est m'a dit que cinq de nos établissements dans le secteur du courrier, allaient être certifiés ISO de façon simultanée. Ce n'est pas la certification qui est importante, mais tout le travail de gestion du client qui en découle. Car nous sommes dans une démarche CRM pour améliorer nos propres performances.

Et en matière d'adaptabilité aux attentes de vos clients?
Là aussi nous entendons construire des gammes qui répondent de mieux en mieux aux souhaits de nos clients. La nouvelle gamme Post Réponse, par exemple, permet aux réémetteurs de courrier de mieux communiquer avec leurs clients. Nous nous adaptons à une demande qui avait été clairement exprimée.

Quels sont vos rapports avec les organismes professionnels?
Avec la Fevad, nous avons signé un accord portant sur une centaine de campagnes. Je ne veux pas m'exprimer en son nom, mais, de notre côté, nous sommes très satisfaits de cet organisme. Nous prenons des engagements pour nos clients, nous nous mettons encore plus sous pression. Mais la contrepartie, c'est que nous fidélisons nos clients. Chacun y trouve son intérêt. Nos clients, parce qu'ils trouvent une responsabilisation économique de la part de La Poste, parce que c'est l'objet de cette contractualisation, de la lisibilité dans le temps sur la fiabilité et la performance et, pour notre part, cette visibilité nous permet d'avoir des clients fidèles sur le long terme. L'accord a été signé dans le courant Noël 2000. Il portait sur l'année 2001. C'était un accord expérimental. Nous allons faire le bilan avec nos partenaires, et l'on en tirera des conséquences pour la suite. Je souhaite un nouvel accord pour 2002, peut-être plus ambitieux. On a franchi une étape, il faut aller plus loin.

La Poste va-t-elle continuer son travail d'évangélisation en matière de marketing direct?
La Poste va continuer. Cette année, le Tour de France de La Poste aura eu 28 étapes. Dans de grandes villes. Orléans, Nancy, Rennes etc. Nous avons aussi organisé les Journées Franciliennes qui sont une formule un peu particulière de ce tour de France. Nous comptons bien rééditer ces rendez-vous l'année prochaine. En 2002, nous organiserons également les cinquièmes Rendez-vous européens de la Vente à Distance et du Marketing Direct à Lille. Nous avons également deux projets de forum. L'un à Lille et l'autre en Méditerranée. Enfin, nous envisageons de rééditer les conférences Express VIP. Elles permettent d'installer un contact de dirigeants à dirigeants, et ceux-ci apprécient cette formule. Tout ce que l'on peut dire, c'est que ces Rencontres du Marketing Direct remportent un succès considérable. Nous avons entre 20 000 et 25 000 participants chaque année. Je confirme complètement notre volonté de poursuivre ces actions de promotion du marketing direct.

Quelle est la position de La Poste face aux nouvelles technologies de l'information?
Nous voulons être l'opérateur de référence du courrier sous toutes ses formes. Les émetteurs de courrier électroniques cherchent à avoir des adresses électroniques fiables. De notre côté, nous avons mis au point une offre d'adresses électroniques gratuites dans le but d'accompagner les Français dans leur apprentissage de l'Internet. Les valeurs de proximité que nous incarnons, nous voulons les utiliser. Fin août 2001, le site de La Poste pouvait se targuer de 100 millions de pages vues. Quant au nombre d'adresses électroniques ouvertes sur ce même site, il y en a eu 550 000 en moins d'un an. Le taux de développement du site est de 12 millions de pages vues par mois, ce qui fait entre 1 à 2 millions de pages vues supplémentaires par mois.

Avez-vous d'autres ambitions en la matière?
Nous avons annoncé la création de la société Aspheria, la fusion de Mikros et de Datapost, nous sommes également entrés dans le capital de Postel, une filiale de la Poste italienne, des sociétés spécialisées dans l'éditique et le courrier hybride. Les nouvelles technologies sont, là encore, un axe majeur de notre développement. En matière d'investissement, nous n'avons encore peu dépensé d'argent sur ce secteur. Nous avons besoin, maintenant, d'une autre source de financement. Nous réfléchissons à une structure de capital-risque pour développer de nouveaux services, vers le grand public notamment. Cette stratégie peut nous pousser à devenir fournisseur d'accès. Nous y réfléchissons. La rentabilité, en ce domaine, peut passer par la fonction de fournisseur d'accès, mais, en ce moment précis, ce secteur ne semble pas très enthousiasmant. Les fournisseurs d'accès perdent tous de l'argent. Nous n'avons pas encore pris de décision stratégique. Je pense que l'on a tout intérêt à attendre. Car le marché va se clarifier et il y aura des opportunités.

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